Inégalités : vivre dans un grand pôle urbain n’est pas la panacée
Les inégalités de niveaux de vie sont grandes entre les grands pôles urbains. Elles le sont aussi en leur sein, comme l’indique une étude de la Fédération nationale des agences d’urbanisme décryptée par Valérie Schneider. Ce texte est extrait de laGazette.fr.
Publié le 23 septembre 2019
https://www.inegalites.fr/Inegalites-vivre-dans-un-grand-pole-urbain-n-est-pas-la-panacee - Reproduction interditeLes grands pôles urbains ne jouent pas tous dans la même cour, selon une étude de la Fédération nationale des agences d’urbanisme (Fnau) [1] menée sur 59 grandes agglomérations (plus de 180 000 habitants) qui dresse le portrait et les dynamiques de ces territoires, notamment en matière de niveau de vie. Dans la majorité de ces métropoles, le revenu médian mensuel des habitants [2] est plus élevé qu’au niveau national (1 650 euros/mois en 2015). Il oscille en effet entre 1 700 euros à Valence Romans et près de 2 500 euros à Versailles, métropole la plus riche.
Des plus riches…
Parmi les 13 métropoles d’Île-de-France étudiées, plus de la moitié figure dans le haut du classement en termes de niveaux de vie. Versailles arrive en tête, suivi de près par Saint Germain Boucles de Seine qui compte des villes aisées comme Saint-Germain-en-Laye ou Maisons-Laffitte, ou encore Paris-Saclay comprenant des communes riches comme Bures-sur-Yvette, Orsay ou Palaiseau.
La province n’est pas en reste puisque le Grand Annecy, avec un revenu médian mensuel de 2 068 euros, ainsi que Nantes (1 843 euros), font également partie des intercommunalités les plus riches, tout comme Rennes (1 824 euros), Toulouse (1 826 euros) et Grenoble (1 806 euros). Des territoires, notamment en Île-de-France, où l’activité économique requiert des emplois très qualifiés et des postes à haute responsabilité, synonymes de salaires élevés. Des zones très dynamiques, où l’économie est tirée vers le haut par des activités de services, ou liées à la recherche, et qui concentrent les centres de décisions.
…aux plus pauvres
À l’autre bout de l’échelle des niveaux de vie, on trouve trois grandes agglomérations de La Réunion : Communauté intercommunale des Villes Solidaires, Communauté urbaine Territoire de la Côte Ouest et celle du Nord de la Réunion. Le revenu médian de leurs habitants n’y dépasse pas les 1 300 euros mensuels, soit deux fois moins qu’à Versailles. On trouve aussi des métropoles pauvres dans les Hauts-de-France (Lens-Liévin, Valenciennes ou encore Béthune-Bruay et Artois-Lys Romane). Ces grands pôles urbains regroupent le plus souvent des territoires où l’emploi peu qualifié, donc les bas revenus, est répandu, mais aussi marqués par la désindustrialisation et le chômage.
43 % de taux de pauvreté
39 de ces métropoles dépassent le taux de pauvreté national de 14,2 % [3]. Pour certaines d’entre elles, la pauvreté est largement supérieure : 35 % à 43 % des habitants des trois agglomérations réunionnaises étudiées ont un niveau de vie inférieur à 1 000 euros. Liévin ou Valenciennes sont dans la même situation, avec des taux certes plus faibles (respectivement 25,9 % et 23,7 %), mais bien au-dessus de la moyenne. Des territoires où les revenus ne sont pas les plus élevés et qui connaissent une faible dynamique économique. Près d’un quart des habitants sont pauvres également dans des métropoles où le revenu médian est pourtant supérieur à la moyenne nationale. C’est le cas pour la métropole du Grand Paris, mais aussi pour la Communauté d’agglomération de Mulhouse-Alsace ou la métropole d’Aix-en-Provence. Des territoires où résident à la fois des ménages riches et d’autres aux revenus modestes. Les auteurs de l’étude soulignent que « la pauvreté est plus fréquente dans la ville centre que dans le reste du territoire, avec deux exceptions notables, Lyon et Paris, où le niveau de pauvreté est plus important en périphérie ».
Niveau de vie dans les grands pôles urbains | ||||
---|---|---|---|---|
Région | Population en nombre d'habitants | Niveau de vie médian en euros par mois | Taux de pauvreté (seuil à 60 % du niveau de vie médian) en % | |
Les cinq grandes agglomérations au niveau de vie le plus élevé | ||||
Communauté d'agglomération Versailles Grand Parc | Ile-de-France | 264 238 | 2 445 | 6,3 |
Communauté d'agglomération Saint Germain Boucles de Seine | Ile-de-France | 334 326 | 2 315 | 9,0 |
Communauté d'agglomération Communauté Paris-Saclay | Ile-de-France | 309 985 | 2 120 | 9,7 |
Communauté d'agglomération du Grand Annecy | Auvergne-Rhône-Alpes | 198 626 | 2 068 | 8,0 |
Communauté d'agglomération Plaine Vallée | Ile-de-France | 181 406 | 1 976 | 11,9 |
Les cinq grandes agglomérations au niveau de vie le moins élevé | ||||
Communauté intercommunale des VIlles Solidaires | La Réunion | 180 558 | 1 138 | 42,9 |
Communauté d'agglomération Territoire de la Côte Ouest | La Réunion | 214 795 | 1 249 | 37,1 |
Communauté d'agglomération Intercommunale du Nord de la Réunion | La Réunion | 202 993 | 1 317 | 34,9 |
Communauté d'agglomération de Lens-Liévin | Hauts-de-France | 242 645 | 1 380 | 25,9 |
Communauté d'agglomération Valenciennes Métropole | Hauts-de-France | 192 531 | 1 456 | 23,7 |
Source : Fnau d'après Insee - Données 2015 - © Observatoire des inégalités
Inégalités internes fortes
Mesurées à l’aide du rapport interdécile (rapport entre le revenu maximum des 10 % les plus pauvres et celui minimum des 10 % les plus aisés), les inégalités de revenus vont de 3 à 5. Ainsi, les 10 % des habitants les plus riches de la Communauté d’agglomération du Cotentin (autour de Cherbourg) gagnent au minimum trois fois plus que les 10 % les plus pauvres, alors qu’au sein de celle du Nord de la Réunion, qui compte le même nombre d’habitants, ce rapport est de 4,9. Les inégalités de revenus sont les plus élevées dans le Grand Paris, avec un rapport interdécile de 5,2. Il ne faut pas oublier que cet immense espace urbain regroupe à lui seul plus de sept millions d’habitants (contre environ 200 000 dans les métropoles les plus égalitaires), dont une partie bénéficie de revenus très élevés et l’autre modestes.
Les inégalités de revenus dans les grands pôles urbains | ||||
---|---|---|---|---|
Région | Population en nombre d'habitants | Rapport interdécile* | Taux de pauvreté (seuil à 60 % du niveau de vie médian) en % | |
Les cinq grandes agglomérations aux inégalités de revenus les plus élevées | ||||
Métropole du Grand Paris | Ile-de-France | 7 020 210 | 5,2 | 18,5 |
Communauté d'agglomération Intercommunale du Nord de la Réunion | La Réunion | 202 993 | 4,9 | 34,9 |
Communauté d'agglomération Territoire de la Côte Ouest | La Réunion | 214 795 | 4,9 | 37,1 |
Communauté intercommunale des Villes Solidaires | La Réunion | 180 558 | 4,7 | 42,9 |
Communauté d'agglomération Saint Germain Boucles de Seine | Ile-de-France | 334 326 | 4,4 | 9,0 |
Les cinq grandes agglomérations aux inégalités de revenus les moins élevées | ||||
Communauté d'agglomération du Cotentin | Normandie | 181 321 | 2,9 | 12,3 |
Communauté d'agglomération Lorient Agglomération | Bretagne | 201 792 | 3,0 | 12,4 |
Communauté d'agglomération de Lens-Liévin | Hauts-de-France | 242 645 | 3,0 | 25,9 |
Communauté d'agglomération de Béthune-Bruay, Artois-Lys Romane | Hauts-de-France | 277 730 | 3,0 | 20,2 |
Brest Métropole | Bretagne | 208 497 | 3,1 | 13,2 |
Source : Fnau d'après Insee - Données 2015 - © Observatoire des inégalités
Extrait de « Inégalités : vivre dans un grand pôle urbain n’est pas toujours la panacée », Valérie Schneider, www.lagazette.fr, 19 septembre 2019.
Photo / CC BY-ND Jeanne Menjoulet
[1] Étude Observ’agglo, Fédération des agences d’urbanisme (Fnau), Assemblée des communautés de France (AdCF), France Urbaine, juin 2019.
[2] La moitié des habitants ont un revenu inférieur, l’autre moitié, supérieur.
[3] Au seuil à 60 % du revenu médian. Après impôts et prestations sociales. Données 2015.
© Tous droits réservés - Observatoire des inégalités - (voir les modalités des droits de reproduction)